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17.07.2023

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par La rédaction

L’affaire Casino interroge les pratiques de certains hedge funds

Un récent article du Monde apporte des éclairages provenant du groupe Casino au sujet de la passe d’armes qui l’oppose au hedge fund américain Muddy Waters. Le porte-parole du distributeur français a ainsi déploré l’effet « effet progressif et cumulatif » des « rumeurs négatives » dans un environnement légal complexe et défavorable.

Quelle est la genèse de l’affaire ? En 2015 et en 2018, le fonds américain Muddy Waters avait massivement spéculé à la baisse sur les actions du groupe Casino. Carson Block (le PDG de Muddy Waters) estimait en effet que le cours de l’action Casino était surévalué au regard de la structure d’endettement du distributeur français (dont la croissance et l’expansion géographique ont en effet été permis par le recours aux emprunts sur les marchés financiers).

Cette spéculation à la baisse (nommée « short selling ») avait eu un impact à la baisse sur le cours de bourse du distributeur stéphanois, ce qui avait conduit son PDG Jean-Charles Naouri à dénoncer « une campagne de déstabilisation ». En effet, si l’action du groupe français est aujourd’hui au plus bas, sa cotation en bourse représentait 5,66 milliards d’euros avant l’offensive de Muddy Waters.

Le groupe Casino se plaint ainsi d’un effet d’entraînement causé par les attaques des hedge funds (domiciliés à l’étranger et parfois dans des juridictions assez opaques, comme les Bahamas). Un porte-parole du groupe français estime ainsi que « cette meute permanente a écarté les investisseurs normaux », cette spirale ayant fini par « asphyxier » le financement dont avait cruellement besoin le distributeur.

En France, l’affaire Casino mentionnée précédemment s’est également traduite par un affrontement judiciaire. En octobre 2018, Sophie Vermeille est devenue le porte-parole public de son client Muddy Waters en accusant le groupe Casino de fragilité financière. Le distributeur a alors poursuivi l’avocate en diffamation et pour diffusion d’informations trompeuses. Le 10 décembre 2018, l’avocate de Muddy Waters a également été sanctionnée par le bâtonnier de Paris (avant que cette sanction ne soit annulée par la Cour d’appel de Paris en novembre 2021).

Si cette affaire continue à faire grand bruit dans l’hexagone, étant donné l’importance du groupe Casino dans le paysage économique et urbain français, elle est loin d’être le seul cas cristallisant certaines dimensions problématiques de l’activité des fonds spéculatifs. Les pratiques des hedge funds, et notamment leurs liens avec des sociétés d’analyses financière, on en effet souvent été interrogées par la presse et le législateur. En juillet 2018, le fonds texan Sabrepoint Capital a rémunéré un prestataire d’analyses de marché afin qu’il se penche spécifiquement sur le cas de Farmland Partners Inc. Lors de la publication d’un rapport très critique sur cette entreprise immobilière, l’accusant d’insolvabilité, l’action de Farmland a chuté de 39%, ce qui a conduit la société shortée à intenter une action en justice contre l’analyste, jusqu’alors anonyme. Ce dernier a admis que son rapport publié sur le site Seeking Alpha contenait des inexactitudes et des fausses affirmations. En 2019, la justice hongkongaise a condamné Andrew Left, fondateur de Citron Research, pour avoir shorté l’action du promoteur Evergrande tout en publiant un rapport accablant dans le but d’aggraver la chute du cours.

Une autre affaire pourrait éventuellement donner lieu à des poursuites judiciaires contre Muddy Waters. En mai 2019, Muddy Waters a accusé Solutions 30 de fraudes (participation minoritaire dans une société accusée de blanchiment). Bien que Solutions 30 ait menacé de poursuivre le fonds américain en justice, les dirigeants de Muddy Waters affirment que cela ne se produira pas, estimant que leur dossier est suffisamment solide pour justifier une telle prise de position publique.

À la suite d’une enquête du Département de la Justice (Department of Justice, DOJ), la banque JP Morgan a par exemple dû payer plus de 900 millions de dollars d’amendes pour des pratiques illégales de certains de ses traders. De plus, Bloomberg explique que des enquêtes liées à la vente à découvert sont en cours depuis longtemps, ce qui renforce l’importance et l’étendue de l’enquête du DOJ. Bien qu’il faille éviter de surestimer cette tendance comme remettant en question la légalité de la vente à découvert, les conséquences de la vigilance accrue des régulateurs entraîneront probablement un ajustement des comportements de certains fonds, moins enclins à mener des campagnes massives et éthiquement contestables par peur de sanctions judiciaires. En France, la tendance à importer certaines nouveautés du droit américain pourrait également contribuer à mieux encadrer la pratique de la vente à découvert, suivant les recommandations de la mission d’information déposé à l’Assemblée nationale en 2019 qui préconise un renforcement des moyens de l’AMF.

Ainsi, les critiques à l’encontre des hedge funds au nom de la souveraineté soulignent les risques potentiels qu’ils peuvent représenter pour la stabilité économique et financière des entreprises, mais également de secteurs d’activités tout entiers qui pourraient se voir déstabiliser. Certains observateurs plaident donc en faveur d’une réglementation plus stricte et d’une surveillance renforcée de ces acteurs afin de préserver la souveraineté des nations sur leurs marchés et leurs économies.

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